THE INVISIBLE ONE |
Réalisation d'un grand orgue contemporain privé au Luxembourg |
Idée |
Ce projet d’orgue pour un hôtel particulier est sans doute un des plus fascinants qui puissent être imaginés par un expert: créer un grand orgue privé, pour ainsi dire invisible, extraordinairement riche avec ses 13 jeux réels, doté d’une boîte expressive, de deux claviers de 68 notes et d’un troisième clavier de 61 notes, 32 notes disponibles au pédalier, joué par une console translucide au design unique, Oeuvre d'Art moderne et outil musical sans précédent, le tout conçu en matériaux nouveaux et disposé en tant que sculpture principale incontournable dans l’ambiance d’un grand salon et dans les voûtes sous les toits. |
Inspection |
La maison de style moderne à Lenningen (L) qui devait abriter cet orgue ne semblait, à ma première visite, que naturellement peu disposée à accueillir dans ses volumes un orgue à tuyaux, ou alors au risque d’en faire soit une miniature au son caricatural comme on en voit tant, honéreux exercice de style et frustrante expérience pour le musicien, ou alors un grand orgue qui se tient, mais qui engloutit nombre de mêtres cube d’espace vital tout en étant, si on considère l’éternel problème de l'organiste de se trouver «dans les tuyaux», quasiment inexploitable dans ses richesses ou alors seulement dans des régistrations menues, les moyens et grands ensembles écrasant auditeur et organiste au même degré. Il s’avérait à ma seconde visite de cette maison, lors d'une analyse plus détaillée des lieux, que cette bâtisse en revanche disposait d’un énorme grenier, non seulement non aménagé depuis la construction de la maison, mais même jamais visité, sans accès ni même détails explicatifs sur les plans de construction étalés devant nous! L’architecte avait, pour des raisons qui ne sont encore que peu intelligibles, simplement fait oublier ce grand espace à l’étage en apposant des faux plafonds suspendus sur la totale du 1er étage, suggérant par là maints aspects d’ordre romanesque sinon latents criminels qui auraient pu être à la base de cette occlusion... Ce fut alors le moment des gros moyens et nous procédions à une entrée en force de ce volume, qui se montrait non seulement immense, heureusement dépourvu de tout trésor ou de causes juridiquement saisissables, mais au contraire superbement apte à y loger un orgue de grandes dimensions, un instrument qui serait pour ainsi dire invisible, non intrusif dans les appartements et en même temps opulent en timbres et sonore en diction. Sa présence matérielle serait assurée optiquement par la console, elle visible dans le salon, et d'autre part par un surprenant commentaire de tuyaux au dessus de l'entrée de la maison, et il serait de grand apparat par ses sonorités luxueuses et riches de coloris des plus inattendus dans un orgue privatif. Deux jeux, descendant en stalactites le long du mur derrière la console et surplombant à la manière d'une artillerie en étain élégamment apposée l'escalier en colimasson, centre de la batisse, seraient les uniques témoins de ce qui doit se deviner plus loin, si ce ne fut que par les 22 tirants de jeux à la console. |
Implantation |
L’espace au sol du living lumineux, doté d’objets et meubles en métal, bois et cuir bleu, devait être préservé au maximum. J'ai imaginé la console dès lors à se présenter svelte, translucide, n’obtruant aucun brin de lumière cheminant vers l'entrée, une console si on veut minimaliste par sa masse mais maximaliste dans ses moyens et matériaux; de toutes façons une console de grand orgue au premier titre. Les tractions, visibles dans leur évolution, progressent verticalement depuis les claviers vers le plafond, puis, en empruntant l'horizontale, trouvent leurs chemins en méandres savamment guidés et distribuées par des axes en chrome logés sur un chassis en aluminium, lui-même fixé sur des tables en bois de couleur anthracite. Ces tractions furent choisies en titane, matériau ultra-léger et stable et même techniquement parlant: beau. 85 % de la tuyauterie sont logés dans le grenier, sorte de "Chambre des Rois" pour les plus de mille tuyaux des trois sections se trouvant "en haut". Deux des cinq jeux du clavier SOLO (III) se font découvrir en descendant le long du mur adjacent, suspendus et renversés, ce qui donne un aspect irritant et excitant à la vue sur l’ensemble. Chaque détail des matériaux comme la position des tuyaux a été choisi par mes soins en accord avec Rainer Hehl afin de donner à cette division un relief unique. La chambre d'orgue dans les combles fut non seulement isolée aux grands moyens contre les changements de température nocifs à l'accord, mais aussi acoustiquement traitée afin de donner une réverbération naturellement accentuée. Grand soin fut accordé au détail que la soufflerie de cet grand orgue devait être absolument silencieuse. Elégant astuce, que je n'ai pu me refuser de faire apposer, est la réalisation des interrupteurs de la soufflerie et des points halogènes illuminant le pédalier: ils s'actionnent non par des boutons industriels d'aspect conventionnel, mais par des contactes déguisés sous les touches de fa# 6 et sol 6 du clavier de SOLO* (III). En effleurant l'une et l'autre touche, le vent est mis à disposition de façon immédiate et la lumière blanche et noble affluant sur les 32 touches du pédalier communique que dès à présent, tout sera prêt pour cette nouvelle interprétation d'une partition. |
Imagination |
Les jeux du DYNAMIC GREAT, nomenclature de clavier syncrétique, englobant à la fois le terme de Grand Orgue et de dynamisation, sont modulables en intensité par l’effet de jalousies épaisses généralement connues dans les orgues romantiques ou symphoniques, un synonyme d’orgues ordinairement beaucoup plus grands que l’INVISIBLE ONE. Ce clavier expressif est logé dans une grande chambre, toute en bois, accessible par un portail massif, comme un petit appartement individuel dans l'enceinte de ce "grenier-instrument". Les jeux du SOLO sont «en dehors», déversant leurs sonorités diverses librement dans le volume de la chambre d'orgue de la taille d'une grande chambre à coucher, soit 68 m³! La double disponibilité de tous les jeux du Dynamic Great à la Pédale, les étendues des claviers I et II de 68 notes ainsi que la composition tendant vers le grave sur II et vers l’aigü sur III rendent cet instrument extrêmement variable tout en préservant un budget qui de loin pourrait être considéré d’approprié. Rainer Hehl, facteur d'orgue de grande expérience et disposé à se lancer dans un défi singulier avec ce projet, aura été choisi parmi tant d'autres, pour accomplir cet instrument qui est autant complexe qu’avantgardiste dans ses moyens et son optique, et finalement novateur dans son esthétique, destiné à des organistes avertis et intelligents, sachant exploiter ses ressources nombreuses. Son plus grand avantage, qui devrait être l’avantage de tout orgue, est celui de pouvoir être joué sans agression sonore ou au contraire manque de richesse dans n’importe quelle régistration, du jeu discrètement gambé de Dulciane 8’ jusqu’au Tutti (l’accouplement en suboctave III 16’- I et en superoctave par la tirasse du Dynamic Great élargissent du facteur 6 les effets imaginables avec les 13 jeux de base), et ce tutti est celui d’un grand orgue d’église, entendu à une certaine distance. Rondeur sans agressivité, puissance sans proximité agaçante, détails solistiques au nombre luxueux- non seulement un orgue d’étude, mais un orgue de concert, et cela chez soi! Et certainement pas un instrument qui lassera après quelques mois. Il faut citer ici et relever à l'état de challenge, les investigations, recherches techniques et de matériaux effectuées par Rainer Hehl, qui s'est vu confronter par le biais de mes plans et des données du lieu, à un défi où maintes manufactures de renom auraient déclaré forfait par principe. L'ingéniosité de sa démarche dans le calcul des voies de tractions, de la réduction des frictions, du montage mécanique des tuyaux en stalactites, spécialement inventé sous cette forme pour cet orgue, des mensurations de tuyaux, de la construction de la console en matériaux jamais auparavant utilisés dans la facture d'orgue, est à classer sous "hors pair". Mon admiration pour son Art et sa façon rejetant les démarches orthodoxes et faciles au profit d'une repensée de tout le dossier facture d'orgue est inconditionnelle, ma gratitude pour sa patience et son dévouement singulière. |
Intentions |
Certes le Baron de l’Espée à Illbarritz disposait d’une autre dimension de tuyaux (son orgue de salon de jadis n’est autre que l'actuel Grand-Orgue du Sacré Cœur de Montmartre à Paris!), mais ces 13 jeux à Lenningen, démultipliés par les tessitures aggrandies et les accouplements élevant leurs moyens en potence, seront aptes à couvrir une très grande partie du répertoire, sans devoir se limiter aux caricatures minimalistes que proposent maints instruments privés. Cet orgue permet de simuler sans aucune déviance toute chose que l’organiste de concert devra accomplir, et chaque coloris de son est noble, lyrique avec néanmoins assez de présence et de mordant afin de satisfaire pendant de multiples heures de travail. Le couple de propriétaires, d’origine anglaise, Margaret et Sheldon Warton-Woods, organistes avertis à leurs heures perdues, se devait de recevoir un instrument teinté british. Il en découle que ma composition de jeux et aussi l’harmonisation, aura un substanciel touch de ce que nous aimons dans les orgues d’Outre Manche. Du tanin sans éclat, de beaux fonds suaves mais ronds,construits en partie avec des expressions, une mixture riche et assez grave, et cet incontournable Counterbassoon 16’, une anche qui sera un sublime Hautbois 8’ (jouée octavié), comme aussi, dans d'autres ensembles, un redoutable engrais grave de 16' pour des régistrations puissantes boîte fermée, ou encore une anche de pédale subtile dans un prélude de Bach, accompagnant de connivence avec le Double Bass 16’ ou les deux 8' un Plenum complet au claviers de 8’ 4’ 2’ et 1', garni de sa mixture. Enfin, mon souci pour les formulations architecturales des consoles étant depuis toujours très pointu, j’ai dessiné une console de trois claviers exclusivement en verre teinté bleu et Inox brossé ce qui donne à l’ensemble, posé comme une sculpture futuriste dans le salon, une apparence à la fois étonnante et avantgardiste, sans aucun poids optique malgré trois claviers larges et un pédalier d’orgue symphonique. Les tirants de jeu sont également de ma conception, jamais réalisée encore auparavant, et cette forme à la fois fière qu’ergonomiquement pratique que je me suis fait plaisir de créer, donnera au mouvement de choisir tel ou tel jeu une connotation annoblie, version contemporaine de la même approche où l'on règle une climatisation dans une Bentley Arnage par ce tirant typique à cette marque, qui ressemble bien au tirant de jeu d’un orgue traditionnel. Ces tirants ont été fabriqués du prototype jusqu'aux 22 modèles apposés sur la console de l'INVISIBLE ONE à Luxembourg chez GRAVOLUX. |
Voici la composition de cet orgue:
III SOLO | 61 notes do-sol6 (touches do#5-sol5 muettes) |
STOPPED FLUTE | 8' |
DULCIANE | 8' |
CELESTE | 8' |
TRAVERSO | 4' (Harm.) |
LEAD TWELFTH | 2 2/3' |
ORCHESTRAL PICCOLO | 1' |
TREMOLO | |
II Dynamic Great | 68 notes do-sol6 |
DOUBLE BASS | 16' |
CONCERT FLUTE | 8' |
OPEN DIAPASON | 8' |
SPINDLE FLUTE | 4' |
RECORDER | 2' |
HARMONICS III-IV | 2' |
COUNTERBASSOON | 16' |
TREMOLO | |
I COUPLING MANUAL 68 notes do-sol 6
PEDAL 32 notes do-sol3: Jeux du Dynamic Great en double exploitation
Accouplements et tirasses: III 16'/I, II 4'/P, III/P
Pression du vent en sommiers: 84mm